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Interview

La région grenobloise, un système économique singulier | Magali Talandier, Laboratoire Pacte

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Présentée en novembre 2018, l'étude sur le système économique grenoblois permet une lecture inédite des moteurs du développement économique, de ses forces et faiblesses, de son potentiel d'évolution.

AURG

Quelle nouvelle clé de compréhension du système économique de la région grenobloise offre votre étude ?

Aujourd’hui, grâce à ces travaux, nous comprenons mieux les raisons de la faible résilience économique du territoire grenoblois (…) La reprise économique post-2012 s’observe dans le territoire, mais avec un rebond moins rapide qu’ailleurs. Pour mieux comprendre ces résultats mitigés, un indice de résilience est proposé qui permet de mettre en exergue les forces et faiblesses du territoire. Ainsi, dans l’aire urbaine de Grenoble, 43 % des emplois mettent le territoire dans une situation de fragilité soit structurelle, soit spécifique.
(…) Le degré et les moteurs de résilience diffèrent d’un EPCI à l’autre. Par exemple, l’Oisans, le Vercors ou la Chartreuse bénéficient d’une résilience structurelle liée à l’économie résidentielle et touristique, tandis que Bièvre Isère peut compter sur ses activités d’intermédiation pour mieux résister aux chocs extérieurs (…).

À l’analyse binaire classique sphère productive/sphère résidentielle, vous ajoutez celle de l’intermédiation : de quoi s’agit-il et pourquoi ?

(…) À l’articulation entre ces deux sphères, l’intermédiation concerne des activités comme la réparation-maintenance, la gestion des déchets, les services aux entreprises… qui jouent un rôle central. Je propose une nouvelle grille d’analyse qui permet de révéler leur poids et leur rôle aux côtés des autres leviers de développement (exportation, économie résidentielle et tourisme, redistribution sociale et publique, consommation).
Ainsi, par exemple, le caractère productif de l’aire urbaine de Grenoble s’explique avant tout par le poids des activités exportatrices et non par celui de l’intermédiation qui apparaît clairement en déficit dans le territoire. En comparaison, l’aire urbaine de Lyon, dont la base productive est supérieure à celle de Grenoble, est aujourd’hui largement mieux dotée en intermédiation qu’en activités purement exportatrices. C’est aussi le cas de l’aire urbaine de Nantes, souvent comparée à celle de Grenoble (…).

Quelles voies pourraient emprunter les décideurs en faveur d’une économie grenobloise plus résiliente ?

Une forte communauté de destin relie les différents territoires de la région grenobloise, les connecte aux autres grands pôles de la région, les insère dans des logiques à plusieurs échelles. Il faut y voir là un atout et une force pour construire la résilience de notre territoire en s’aidant de scènes et dispositifs déjà en place tels que SCoT, inter-SCoT, sillon alpin ou contrats (…). Il ne s’agit pas de rattraper le retard et d’essayer de devenir la ville créative, culturelle, attractive de la fin du 20e siècle… mais bien d’inventer le modèle « grenoblois » du 21e siècle, à la fois spécifique et résilient. Ce territoire recèle des atouts indéniables, des énergies et des savoir-faire locaux hors pair, j’en suis convaincue, mais il faut que ces ressources soient plus largement mises au profit d’un projet commun. Défendre l’idée d’une région urbaine résiliente oblige à penser et faire avec les autres, impose d’articuler les enjeux de temps long et les impératifs de l’action ou du temps court, de savoir réagir au moment du choc mais également d’anticiper, en transformant son modèle (…).