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Les évaluations d’impact sur la santé (EIS) par l’Observatoire régional de la santé (ORS) d’Auvergne-Rhône-Alpes

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L’Agence a accueilli le jeudi 18 mai 2017 une présentation des évaluations d’impact sur la santé (EIS), proposée par l’Observatoire régional de la santé (ORS) d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Lucie Anzivino, chargée d’études expertise santé environnement et impact sur la santé à l’ORS, a exposé la démarche et sa méthodologie, ainsi que des exemples pratiques d’EIS déjà réalisées dans la région (Lyon, Villeurbanne et Valence).Les questions de santé, pointées comme prioritaires par les élus, sont l’un des enjeux du projet d’Agence. La santé est en effet à l’origine de l’urbanisme, et elle revient en force dans l’actualité avec une double acuité : du point de vue de l’observation d’une part, pour mieux rendre compte de l’état de santé de la population et de l’accès à l’offre de soin sur le territoire et d’autre part, pour mieux intégrer la préoccupation santé dans la conception-même des projets d’aménagement.

Les observatoires régionaux de la santé (ORS)

Les ORS, pour la plupart des associations loi 1901, sont présents dans chaque région et regroupés au sein d’une fédération nationale. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’ORS rassemble une équipe permanente de 18 personnes aux profils divers : socio-démographes, sociologues, statisticiens, géographes, soit le panel d’expertise nécessaire pour mener à bien les études.

Les ORS ont une mission générale d’aide à l’action et à la décision pour développer la connaissance de l’état de santé de la population et pour aider à la mise en œuvre des politiques régionales et locales de santé.

Grâce aux bases de données santé de l’assurance maladie ou autre, ils permettent une analyse assez fine, parfois jusqu’à l’IRIS. Ils réalisent des diagnostics locaux de santé pour des collectivités, afin de mieux cibler les actions à mettre en place, mais aussi proposer des analyses sur l’offre et le recours aux soins. Ils sont par exemple amenés à travailler sur les déserts médicaux en milieu rural ou sur la santé des personnes âgées, pour proposer des solutions adaptées (maisons de santé, urbanisme).

Les évaluations d’impact sur la santé (EIS)

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La démarche d’EIS s’inscrit dans le principe de la charte d’Ottawa, qui considère la santé de manière holistique, selon divers déterminants (modes ou conditions de vie, de travail, socio-économiques, culturelles, environnementales, les réseaux…), susceptibles d’être influencés par les politiques et projets mis en place. Ce sont les conditions socio-économiques et l’environnement, puis les facteurs biologiques / génétiques, qui conditionnent le plus l’état de santé de la population. Une certaine qualité de vie, un bien-être à la fois physique et psychique, participent à cet état de santé. Il a ainsi été démontré que le bien-être et la santé mentale ont un impact (positif ou négatif) sur la santé en général.

Les choix de planification et d’aménagement influencent la santé, la qualité de vie et le bien-être des populations, au sein d’interactions complexes qu’il est nécessaire d’analyser, en croisant les déterminants et en mesurant leur influence.

L’EIS permet de combiner différents outils et méthodes pour analyser les composantes d’un projet et ses effets sur la santé. Ce qui permet à l’ORS d’émettre ensuite des recommandations pour favoriser les effets bénéfiques et atténuer autant que possible les effets négatifs.

Les principes d’une EIS

L’EIS bénéficie d’une approche multidisciplinaire, au sein d’un panel d’acteurs apportant chacun leur expertise. Par exemple, pour l’EIS du quartier des Buers à Villeurbanne (projet de rénovation urbaine), l’EIS a rassemblé le bailleur social, des urbanistes, les services des espaces verts, des sports, etc.

Elle permet de fédérer et de faire travailler ensemble, durant l’EIS et par la suite, différents services de collectivités.

L’EIS n’est pas un processus qui génère des blocages, mais des dialogues. C’est une manière de développer de la transversalité entre des structures qui ne travaillent généralement pas ensemble. Lucie Anzivino, ORS

C’est aussi une démarche participative, à laquelle il faut inclure systématiquement la population (habitants, associations…) concernée par le projet, afin d’être transparent. Les représentants des habitants sont intégrés au comité de pilotage, avec une implication variable, mais nécessaire. La démarche met l’accent sur les populations vulnérables, dans l’objectif de lutter contre les inégalités sociales de santé.

Une EIS n’est pas une évaluation d’une politique ou d’un projet déjà mis en œuvre. Complétement indépendante, à l’écart des lobbies, elle est issue de méthodes anglo-saxonnes qui ont fait leurs preuves depuis 30 à 40 ans. Elle se fonde sur des enquêtes qualitatives, semi-directives, auprès des populations concernées par le projet.

Une EIS aborde des domaines variés tels que urbanisme, transport, logement, tourisme, social, environnement, développement territorial… Dans le Jura suisse, une EIS a par exemple été menée sur un projet de site touristique en lien avec la découverte de fossiles de dinosaures ; il s’agissait d’évaluer les impacts positifs et négatifs de ce projet sur la santé des riverains et des touristes. En effet, la venue de touristes dans une zone de désert rural peut avoir des impacts négatifs sur l’environnement, l’emploi, la qualité de vie des habitants, etc. (afflux de transport, pollution de l’air…), qu’il convient d’anticiper.

Un aménagement favorable à la santé implique de réduire polluants et nuisances (bruit, qualité de l’air, espèces végétales), de promouvoir des comportements ou des modes de vie sains (mobilité et activité physique), de proposer des espaces de vie agréables et sécurisés (accès aux résidences, aux équipements, restructuration des voiries…), et de corriger les inégalités de santé (améliorer la qualité de l’habitat social, créer des parcs publics intergénérationnels, des lieux de promenade et de détente, espaces pédagogiques, etc.).

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Le quartier des Buers à Villeurbanne constitue le premier terrain d’étude de l’ORS Auvergne-Rhône-Alpes, avec des retours positifs des différents acteurs mobilisés (collectivité notamment, mais aussi bailleur, qui a changé de regard sur la question de la santé des habitants à la suite de la démarche). Impliquer des habitants permet de confronter les intentions du promoteur aux souhaits des populations résidentes et parfois, de réorienter le projet.

Selon le projet, une EIS peut être :

  • très rapide (quelques semaines) : revue bibliographique et analyse de quelques impacts potentiels,
  • rapide (un ou deux mois) : ajout d’entretiens d’experts,
  • intermédiaire (3 à 6 mois) : ajouts d’entretiens de personnes ressources,
  • approfondie (6 à 12 mois) notamment pour un projet d’urbanisme complexe, avec réalisation du profil socio-sanitaire des populations, d’un maximum de recueil de données quantitatives.

L’important est surtout que la réflexion se fasse concomitamment au projet pour pouvoir le faire évoluer et rectifier ses orientations au besoin.

Une démarche structurée

  • Dans un premier temps, il faut analyser le projet pour s’assurer de la pertinence de mener une EIS (vérifier que le projet n’est pas trop avancé ou figé, qu’il peut encore évoluer).
  • Cadrer l’EIS pour définir l’envergure, le périmètre géographique de l’EIS : mise en place du comité de pilotage associant les acteurs concernés (représentants de la population affectée, professionnels du secteur de la santé, représentants des associations impliquées dans le projet, élus…), pour valider ces éléments.
  • Évaluer les impacts : analyse des composantes du projet en fonction des différents déterminants et des problématiques de santé qui ont émergé dans les phases précédentes.
  • Émettre des recommandations, travaillées / co-construites avec le comité de pilotage, hiérarchisation des recommandations, temporalités…
  • Décider des mesures complémentaires ou d’éventuelles corrections à apporter.
  • Accompagner la mise en œuvre des changements opérés et évaluer le processus de l’EIS (freins et leviers).

La démarche d’évaluation

Son intérêt est de s’appuyer à la fois sur des données quantitatives (pour déterminer le profil des populations la qualité de l’air…) et qualitatives (expérience et avis des populations impactées par le projet et des experts / gens de terrains).

Elle s’appuie aussi sur la littérature scientifique et internationale (revue et analyse bibliographique), les rapports d’autres EIS sur le même sujet, d’autres travaux effectués sur le même terrain d’étude, etc.

La démarche est standardisée, permettant de s’inspirer d’autres expériences (profil des populations, contexte des projets), même s’il n’est pas toujours possible de les reproduire à l’identique.

Les recommandations émises dans le cadre de l’EIS

Les recommandations sont conçues avec l’ensemble des acteurs impliqués, dans le cadre d’un brainstorming du comité de pilotage où chacun peut émettre des idées et les mettre en discussion. La décision se prend au niveau du comité restreint, composé des promoteurs et des élus.

Quelques exemples internationaux et régionaux

La démarche est approuvée par l’OMS mais elle commence seulement à prendre de l’ampleur en France depuis 4 ou 5 ans seulement. Un peu de temps est encore nécessaire pour disposer de retours d’expérience.

Où en est-on ?

  • Angleterre : pays précurseur, de nombreux guides anglais sur les EIS, l’université de Liverpool est spécialiste de ces questions. La démarche n’est obligatoire qu’à certains niveaux.
  • Australie : démarche appliquée de façon systématique.
  • Québec : nombreux guides en français, le promoteur des démarches est le ministère de la santé. La démarche est devenue obligatoire pour les projets.
  • Suisse : EIS menées depuis 15 ans, notamment à Genève et Lausanne. Certaines sont inscrites dans les lois. Quelques guides méthodologiques existent également.
  • France : plus d’une dizaine d’EIS depuis 2004 sur différents projets (projet de maison de santé pluri-professionnelle, création de maisons relais, de crèches, restructuration d’une halte ferroviaire, projets de transports en commun, projets urbains intégrés…).
  • Région Auvergne-Rhône-Alpes : volonté de l’Agence régionale de santé de tester la démarche dans le cadre de sa politique de promotion de la santé :
    • La première a eu lieu à Villeurbanne sur la rénovation urbaine pour promouvoir la mobilité des jeunes enfants (12 mois).
    • Une EIS a été menée à Lyon avec un financement de l’INPES, sur la création d’un parc urbain au sein d’un campus pro.
    • Une EIS a été menée à Valence, sur la réhabilitation d’un parc urbain pour favoriser l’activité physique (étude en cours).
    • L’ORS a répondu à l’appel à projet de l’ANRU avec la métropole de Lyon et un bailleur social dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine sur le quartier Saint-Jean à Villeurbanne, pour mener une EIS qui devrait démarrer à l’automne 2017.
    • Il a également été sollicité par Grenoble-Alpes Métropole pour mener une EIS sur les Villeneuve de Grenoble et Échirolles.

Efficacité d’une EIS ?

Pour une EIS approfondie, il faut compter entre 60 et 80 jours de travail, avec un coût élevé pour les collectivités. Mais dans le cadre de la rénovation urbaine, pour des projets de plusieurs millions d’euros, l’incidence reste minime. L’EIS a la capacité d’influencer les décisions, même les plus solides. Le bénéfice sur la santé reste néanmoins encore complexe à évaluer, car il nécessite plus de recul.

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