Les enseignements : quelques incontournables pour les intercommunalités

PLUi & CONSTRUCTION INSTITUTIONNELLE

Les caractéristiques des EPCI qui élaborent des PLUi nous montrent qu’il s’agit d’un outil qui a vocation à être élaboré pour tous les types de territoires, dans leur diversité, de l’urbain au montagnard en passant par le périurbain et le rural.

L’histoire de l’établissement intercommunal et de sa construction pèse beaucoup lors d’une élaboration de PLUi :

  • sur les choix de modalités de collaboration entre les communes et l’intercommunalité ;
  • sur la capacité à mobiliser les différents services à impliquer ;
  • sur la capacité à traiter collectivement les sujets / place des communes.

Dans tous les cas, le PLUi est souvent générateur et catalyseur de plusieurs éléments constitutifs de la dynamique intercommunale : amélioration de la connaissance interpersonnelle entre les élus (de niveau communautaire et communal) des différentes communes voire entre les techniciens des différents services impliqués, connaissance partagée du territoire à partir de l’appropriation d’éléments de diagnostic, construction partagée du projet de territoire, émergence / confirmation de l’institution intercommunale comme chef de file en termes d’aménagement du territoire, mobilisation des différents services de l’intercommunalité au service du projet commun d’élaboration de PLUi générant des travaux pluridisciplinaires, habitudes de travail en commun, la nécessaire articulation des politiques sectorielles (mobilités, agricole, biodiversité, énergétique, économique, commerciale, touristique...).

L’élaboration des PLUi comporte nécessairement deux dimensions distinctes mais étroitement liées :

  • Politique :
    • En interne : construire et animer un processus décisionnel de co-construction du PLUi entre l’EPCI et ses communes membres en créant des lieux de réflexion, de partage et d’arbitrage clairs et valorisant pour tous. Le groupe de coordination : rôle d’impulsion, de coordination et de synthèse des travaux.
    • En externe : organiser et animer un dispositif adapté de concertation élargie avec la population, la société civile et les acteurs locaux.
  • Technique : les services doivent organiser l’ensemble des dispositifs de travail nécessaires au bon déroulement de la démarche et à son achèvement. L’un des éléments indispensables à la réussite d’un PLUi est la forte mobilisation de l’ingénierie communautaire, dans un rôle d’impulsion, de coordination des travaux à mener : calendrier général, appui à l’organisation de l’ensemble des instances d’élaboration des PLUi, implication des directions de l’EPCI concernées, des communes et des acteurs publics du territoire (particulièrement SICTOM, syndicats de rivières, CLE…), lancement et suivi des études, maintien tout au long du processus du lien avec les acteurs du territoire et avec les personnes publiques associées, gestion de l’ensemble des actes administratifs liés à la procédure d’élaboration des PLUi, exercice de la compétence urbanisme, car, lors de l’élaboration des PLUi, les POS et PLU continuent « à vivre ».

DES PRÉREQUIS

On note l’importance, voire l’obligation (sous peine de blocages lors de l’élaboration du PLUi), du transfert de certaines compétences à l’intercommunalité, en premier lieu la compétence Eau et assainissement. Le transfert de cette dernière permet de lier la stratégie d’urbanisation avec l’élaboration du programme d’investissement et les travaux prioritaires.

Des éléments de connaissance préalables sont aussi incontournables :

  • L’affichage et la connaissance fine des risques naturels et technologiques présents sur le territoire intercommunal, accompagnés de la doctrine d’application exprimée par les services de l’Etat,
  • La connaissance de l’état des documents d’urbanisme communaux en vigueur (« le récolement des PLU et POS ») est indispensable à plusieurs titres.

Le recueil de certaines données sont indispensables au déroulé des études dans de bonnes conditions.

  • La constitution des annexes a été identifiée comme l’une des premières tâches à engager lors du démarrage des études. 
  • Certaines études préalables ou complémentaires peuvent, si elles ne sont pas engagées dès le lancement de la démarche PLUi, compromettre la tenue du calendrier prévisionnel. Il s’agit notamment de toutes les études relatives à la connaissance et à la gestion des risques naturels, à la desserte par les réseaux courants (eau, assainissement, électricité), à l’approfondissement de la connaissance des enjeux de biodiversité. 

DES OBJECTIFS À CALIBRER

L’exercice consiste à identifier au préalable les éléments facilitateurs : orientations du Code de l’urbanisme sur lesquelles s’appuyer, orientations et objectifs du SCoT (si existant), projet de territoire ou autres démarches antérieures… La préparation de la délibération de lancement du PLU doit faire l’objet d’un temps préalable et d’un travail dédié pour faire émerger les ambitions du territoire par des débats entre élus. 

DES PROCESSUS DE TRAVAIL À ORGANISER

Comment bien associer l’ensemble des élus municipaux ? Comment faire dialoguer communes urbaines et communes rurales ? Comment rattacher les communes en cours de procédure de PLUi ?...

Modalités de préparation technique des réunions, définition des des processus de validation, mise en place d'un dispositif d’arbitrage des litiges au fil de l’eau font partie des prérequis pour faciliter la collaboration entre les différents acteurs. 

L'un des facteurs-clés de réussite consiste à construire un dispositif rassurant sur la place des communes, en garantissant leur niveau de représentativité  dans les différentes instances techniques et politiques, et en s’appuyant au maximum sur les commissions et groupes de travail déjà existants au sein de l’intercommunalité, voire en créant une organisation ad hoc adaptée (exemple sur les PLUi Bièvre Isère de la création des groupes territoriaux, au cœur du projet).

Le partenariat avec les principales PPA (Personnes publiques Associées), qui suivant leur mobilisation, leurs exigences et leur capacité de travail influent sur le bon déroulement des études. Ce point ne relève pas de la prérogative de l’EPCI compétent mais se révèle être une des conditions de réussite du PLUi.

DES MOYENS À ANTICIPER

L'un des impératifs préalables au lancement des études de l'élaboration d'un PLUi réside bien dans l'organisation des moyens humains qui y seront dédiés, tant dans le suivi de la démarche (et au-delà…) que dans des expertises ciblées, plus ponctuelles. Il ne faut en effet pas sous-estimer la nécessité d'anticiper le poids des études techniques qui peuvent retarder voire empêcher la décision politique.

La complexité et l'image d'un "millefeuille" peuvent constituer un frein dans le lancement d’une telle démarche, tout comme l'idée d'une homogénéisation et de la place réduite consacrée aux communes, en particulier les plus petites.

Un point primordial de l’élaboration des PLUi réside dans la définition du « qui fait quoi ? ». À cet égard, on note plusieurs configurations d’organisation des études entre les équipes techniques. Les principaux enseignements des élaborations de PLUi accompagnés par l'Agence sont les suivants :

  • Une maîtrise d'ouvrage dimensionnée pour faire face à la charge de travail et organisée pour suivre au plus près l'évolution "quotidienne" des études
  • L'intégration de compétences techniques indispensables
  • L'appui sur des partenariats ad hoc et adaptés au contexte
  • Une budgétisation suffisamment calibrée et en capacité de s'adapter… Le financement des études et les moyens alloués pour les équipes techniques d’urbanisme ne doivent pas être sous-estimés, notamment pour répondre à trois exigences chronophages : le temps d’animation et de de pédagogie , la connaissance fine du terrain, "à la parcelle", pour satisfaire au plus près les besoins des élus, et la production des contenus indispensables pour le dossier d’arrêt du PLUi.

UNE CONCERTATION AVEC LA POPULATION

La concertation peut être menée en régie ou par un prestataire spécifique. Dans tous les cas, elle nécessite des passerelles avec les expertises techniques et l’élaboration de supports spécifiques, tout ceci afin de bien répondre aux objectifs définis dans la délibération de lancement.

En cas de recours à un prestataire pour mener à bien le processus de concertation répondant aux objectifs fixés dans la délibération, il faut prêter une attention particulière au profil du prestataire retenu et aux contours de sa mission. La concertation ne consiste pas à simplement communiquer ; elle exige des compétences spécifiques et une compréhension des problématiques techniques, pour une bonne complémentarité avec l’équipe en charge des études techniques, sous peine de travail supplémentaire (non prévu) pour l’équipe technique PLUi, voire de manque de capacité de prise en compte.

Une mobilisation technique et politique de la maîtrise d’ouvrage est indispensable, que la concertation soit réalisée en régie ou non, car il s’agit de porter et défendre auprès de la population les ambitions et leurs traductions réglementaires et d'être en mesure de prendre en compte les interrogations, remarques...

LA PHASE ADMINISTRATIVE : UN TEMPS MOBILISATEUR

Arrêter le PLUi, prévoir l’ensemble des formalités administratives, les impressions, les modalités de transmission du dossier aux personnes publiques associées, etc. doit rester une phase à part entière dans l’esprit des maîtrises d’ouvrages. Souvent perçue comme un « temps mort » dans l’élaboration du PLUi, la phase administrative est dans les faits un temps mobilisateur, lors duquel il convient de veiller à la sécurisation juridique de la procédure

Le choix même de la date d’arrêt du PLUi doit tenir compte de la fin de la production, du temps d’assemblage nécessaire au montage du dossier final de PLUi, ainsi que du temps d’impression éventuelle et de transmission des dossiers aux élus du conseil communautaire. 

La préparation de la convocation au conseil communautaire, nécessairement accompagnée d’une note de synthèse conséquente sur le PLUi, et le plus souvent d’un projet de délibération, doit se faire avec attention. S’adjoindre les services d’un accompagnement juridique, déjà une nécessité au long de l’élaboration, devient un réel plus dans la rédaction de ces pièces, première étape dans la sécurisation de la phase finale de la procédure.

Les mêmes alertes et enseignements sont à garder en tête sur la phase d’approbation que pour le processus technique et administratif qui a mené à l’arrêt du PLUi en conseil communautaire : nécessaire mobilisation de la maîtrise d’ouvrage pour la coordination de la finalisation du dossier et des délais d’envois légaux aux conseillers communautaires, sur les modes de transmission, et vigilance accrue sur la partie convocation, écriture de la délibération et transmission en préfecture, afin de limiter les risques juridiques sur la procédure.

La dématérialisation des transmissions et le passage au « tout numérique » dans la transmission des dossiers aux élus est aujourd’hui une nécessité. Au vu des volumes de dossier, il n’est ni financièrement ni écologiquement acceptable pour les EPCI d’envisager des transmissions en format papier. L’investissement dans des clé USB est donc un impératif pour la maîtrise d’ouvrage. Une question qui va se poser également au titre de la transmission des dossiers aux PPA.

MISE EN ŒUVRE, SUIVI / ÉVALUATION & ÉVOLUTIONS DU PLUI

Passées les modalités de publication et de transmission à l’autorité administrative compétente de l’Etat, le PLUi approuvé devient exécutoire (le délai est allongé d’un mois en l’absence d’un SCOT et dans le cas d’un PLUi valant PLH), abrogeant de fait tout autre document d’urbanisme local.

Le service d’instruction du droit du sol (ADS ou service urbanisme), qui va devenir mutualisé dans la plupart des cas de figure, va ainsi mettre en œuvre le nouveau PLUi opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme. Les instructeurs vont devenir la véritable porte d’entrée du public pour la connaissance, la compréhension et la mise en œuvre du PLUi. Ils doivent ainsi en devenir les meilleurs « porte-parole ». Les instructeurs du territoire et des services techniques impliqués doivent être formés et s'approprier le nouveau document d’urbanisme, pour le suivre et l'améliorer.  En effet, la mise en œuvre d’un PLU, et à plus forte raison lorsqu’il est intercommunal, implique son ajustement et son remodelage en continu. Qu’il s’agisse de réparer des erreurs commises lors de l’élaboration ou de prendre en compte des « nouveautés » (projets, informations nouvellement connues, évolution des souhaits politiques...).

Enfin, la finalité du PLUi, dès lors qu’il est mis en œuvre, est bien d’atteindre les objectifs fixés dans la feuille de route que constitue le PADD. Aussi, au-delà des évolutions courantes que pourrait subir un PLUi, ce dernier doit bien faire l’objet d’un suivi régulier et d’une évaluation au terme de x années de mise en œuvre. Cette évaluation devant permettre de vérifier l’efficacité du PLUi à atteindre ou à tendre vers les objectifs inscrits au PADD. Point d’étape majeure dans la vie d’un document d’urbanisme, c’est bien à partir de cette évaluation que la trajectoire est rectifiée, notamment par le biais d’une révision générale le cas échéant.

MODIFICATIONS, RÉVISIONS... QUELLES RÈGLES DU JEU ?

L’approbation d’un PLU marque le point de départ de sa mise en œuvre d’une part, et de son amélioration d’autre part. Le code de l’urbanisme, progressivement modifié, atteste de ce souci du législateur de rendre les PLU malléables et évolutifs. Cette volonté est renforcée par l’injonction faite aux collectivités d’évaluer leur PLUi après 9 ans de mise en œuvre (ramenés à 6 ans dans le cas d’un PLUi-H).

Lorsqu’une seule commune doit mettre en œuvre un PLU et à le faire évoluer au gré des blocages, projets ou revirements politiques, il lui est aisé d’engager les procédures successives, au rythme qui lui convient. Mais qu'en est-il quand 15 ou 50 communes font connaître leur volonté de voir telle disposition règlementaire évoluer, telles OAP révisées, tel terrain à classer urbanisable d'urgence... ?

Comment faire face aux demandes d’évolutions et de rectifications du PLUi qui vont émaner de toutes les communes membres ? Comment les collecter, les prioriser, les considérer dans une procédure d’évolution du PLUi ?

Cette anticipation des procédures d’évolution du PLUi (modification, modification simplifiée, déclaration de projet ou révision) est essentielle à plus d’un titre :

  • Anticipation de la charge de travail du service urbanisme de l’EPCI,
  • Dimensionnement budgétaire (prestataire, frais de publicité et enquête publique...),
  • Fluidité du document : prévoir un rythme d’évolution suffisant pour faire face aux différents blocages et à la vie des projets,
  • Optimisation des procédures,
  • Temporisation des communes qui voient leur demande inscrite à l’agenda,
  • ...

Quelques exemples de règles du jeu à fixer :

  • Une procédure de modification de droit commun tous les ans, deux ans ... ?
  • Une procédure de révision générale à l’issue du bilan à 9 ans, 6 ans... ? Autres cas de figure pour engager une révision ?
  • Critères justifiant d’une procédure rapide et/ou supplémentaire
  • Quelle instance de débat et de validation concernant l’engagement de procédures d’évolution ?

La tenue d’une conférence des maires (ou autre instance à définir) à l’issue de l’approbation doit permettre de débattre et de fixer les règles du jeu en matière de procédure d’évolution du PLUi.

INDICATEURS DE SUIVI, ÉVALUATION ET CONSÉQUENCES

Comme dit précédemment, le Code de l’Urbanisme dispose à l’article L.153-27 et suivants que le PLUi mis en œuvre depuis 9 ans doit faire l’objet d’une analyse des résultats de l'application du plan, au regard des objectifs visés à l'article L. 101-2 et, le cas échéant, aux articles L. 1214-1 et L. 1214-2 du code des transports.

D’autre part, l’évaluation environnementale du PLUi suppose la définition de critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du plan et, le cas échéant, pour le bilan de l'application des dispositions relatives à l'habitat prévu à l'article L.153-29. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées.

La première question à se poser est celle de l’articulation entre les indicateurs de suivi environnementaux issus de l’évaluation environnementale, et ceux visant à évaluer la mise en œuvre du PLUi au regard des orientations retenues dans le PADD.

Une fois définis en complémentarité, ces indicateurs de suivi doivent être collectés et traités afin d’aboutir, à l’échéance des 6 ou 9 ans (ou autre) à une évaluation de la mise en œuvre du PLUi : le PLUi est-il efficace ? Parvient-il à remplir les objectifs inscrits au PADD ?

  • L’intercommunalité a-t-elle pensé en amont la structuration de cet « observatoire du PLUi » ?
  • Les services techniques ont-ils été associés dans la définition des indicateurs et sont-ils préparés pour contribuer à leur collecte ?
  • Dans le cas où la production de données doit être externalisée, les conditions ont-elles été pensées (millésimes, budget..) ?